Sur les grandes avenues de Shanghai et dans les ruelles de Pékin, une transformation silencieuse est en marche. Les scooters électriques remplacent peu à peu le bruit des moteurs à essence, tandis que les voitures électriques, signées par des marques chinoises comme BYD et NIO, s’imposent dans les parkings. À Shenzhen, des centaines de milliers de bus électriques sillonnent déjà la ville, reléguant les véhicules polluants au passé.
En moins d’une décennie, la Chine est devenue le leader mondial des véhicules électriques, transformant ses villes, son industrie automobile et son rôle dans la transition énergétique mondiale. Mais comment ce pays, longtemps accusé d’être l’un des plus gros pollueurs de la planète, est-il parvenu à s’imposer comme pionnier de la révolution électrique ?
Pourquoi un tel essor des véhicules électriques en Chine ?
Le succès des véhicules électriques (VE) en Chine ne relève pas du hasard, mais d’une stratégie d’État. Depuis 2015, Pékin déploie une politique ambitieuse autour des véhicules à énergie nouvelle (VEN), incluant voitures 100 % électriques, hybrides rechargeables et hydrogène.
Objectifs :
- réduire la dépendance au pétrole importé,
- améliorer la qualité de l’air et lutter contre la pollution atmosphérique,
- développer un secteur industriel stratégique,
- renforcer la position de la Chine dans les chaînes de valeur mondiales.
Subventions et quotas : le coup d’accélérateur
Le gouvernement a longtemps subventionné l’achat de VE, réduisant leur prix de 20 à 40 %. Un modèle comme la BYD Qin bénéficiait d’une réduction de près de 50 000 yuans (6 500 €). Même si les aides ont diminué en 2024 pour les modèles haut de gamme, elles restent disponibles pour les scooters et voitures électriques d’entrée de gamme.
Depuis 2018, les constructeurs doivent respecter des quotas de production de VE, sous peine de lourdes amendes. Les grandes villes comme Shanghai et Pékin imposent également des taxes et restrictions aux véhicules thermiques, accélérant la transition.
Infrastructures et batteries : un écosystème unique
- La Chine dispose de 6 millions de bornes de recharge, soit 65 % des infrastructures mondiales (2023).
- Elle produit 60 % des batteries lithium-ion mondiales, dominées par des entreprises comme CATL.
- Elle contrôle une grande partie de l’approvisionnement en lithium, cobalt et nickel, métaux indispensables aux batteries.
- Des marques locales comme BYD, NIO, Geely et Xpeng ont dépassé leurs concurrents étrangers, grâce à l’innovation et aux volumes de production.
En 2024, BYD a vendu plus de 4,3 millions de véhicules électriques, soit près de 40 % du marché chinois, devançant même Tesla.
Pollution : un moteur de changement
La pollution reste un problème de santé publique majeur. En 2013, Pékin enregistrait des niveaux de particules PM2,5 douze fois supérieurs aux recommandations de l’OMS. Ces épisodes ont forcé les autorités à agir. Les véhicules électriques sont devenus une réponse stratégique pour améliorer l’air des grandes villes.

Où se concentre la révolution électrique en Chine ?
La transition se déploie partout, mais certaines villes sont devenues de véritables laboratoires.
Shanghai
- 40 % des nouvelles immatriculations sont des VE ou hybrides rechargeables.
- Plus de 500 000 bornes de recharge installées.
- Plaques gratuites pour les VE, quand celles pour les voitures à essence coûtent jusqu’à 90 000 yuans.
Shenzhen
- Première ville au monde à électrifier l’intégralité de ses 16 000 bus (2017).
- Plus de 22 000 taxis électriques aujourd’hui.
- La présence de BYD à Shenzhen en fait un centre mondial de la mobilité durable.
Pékin
- Plus de 30 % des ventes automobiles en 2023 sont des VE.
- Restrictions de circulation renforcées pour les voitures thermiques lors des pics de pollution.
Jiangsu – Wuxi, capitale des scooters électriques
70 % des scooters électriques chinois sortent de cette région, avec des leaders comme Yadea et Aima.
Zones rurales
- Les scooters électriques (400 à 800 €) deviennent un outil essentiel pour la mobilité locale.
- Déploiement de stations de recharge solaires, permettant l’accès aux VE même dans les zones reculées.
Chiffres clés et impact économique
- 10,9 millions de VE vendus en 2024, +40,7 % vs 2023.
- 35 millions de scooters électriques vendus la même année.
- La Chine représente 70 % du marché mondial des VE.
- 60 % des batteries lithium-ion produites dans le pays.
- 2 millions de VE exportés en 2024, principalement vers l’Europe, l’Asie du Sud-Est et l’Amérique latine.
Impact industriel et social
- Millions d’emplois créés dans la production, l’installation des bornes, et la maintenance.
- Avancées technologiques : batteries à semi-conducteurs, recharges ultra-rapides.
- Influence géopolitique accrue grâce au contrôle des matières premières et de la chaîne de valeur.

Les défis de l’électrification en Chine
Malgré ses succès, la Chine fait face à plusieurs obstacles :
- Infrastructures insuffisantes dans les zones rurales.
- Pression sur le réseau électrique, avec des coupures signalées dans certaines provinces.
- Coût élevé des bornes rapides (26 000 à 40 000 € par station).
- Impact environnemental de l’extraction du lithium et du cobalt.
- Recyclage des batteries : seulement 30 % traitées correctement aujourd’hui.
- Inégalités sociales : VE encore inaccessibles pour une partie des populations rurales.
- Transition de l’emploi : perte d’emplois liés aux véhicules thermiques.

Conclusion : la Chine, pionnière mais sous pression
La Chine est devenue le leader incontesté de la révolution électrique, grâce à une combinaison unique de politiques publiques, d’innovation technologique et de puissance industrielle. Mais ce leadership reste fragile face aux défis environnementaux, sociaux et géopolitiques.
Le succès futur dépendra de sa capacité à :
- renforcer ses infrastructures de recharge,
- développer un recyclage efficace des batteries,
- assurer une transition sociale équitable,
- maintenir son avance technologique face aux États-Unis et à l’Europe.

